Clotilde CHIVAS-BARON

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    Littérature

    Les écrivains de l’Indochine / No 118:
    Clotilde CHIVAS-BARON (I)
    ( 1876 - 1956 )

         Trois femmes bien dissemblables, trois histoires bien différentes, mais trois destinées qui se ressemblent dans leur recherche d’un bonheur arraché avec souffrance à l’étouffement du carcan de la tradition. Mais aussi, trois attitudes différentes devant le Français colonisateur.

         Clotilde Chivas se présente elle-même comme ‘née à Paris mais d’origine tout à fait dauphinoise et dauphinoise cent pour cent’. Sa famille est originaire de Chatte, et c’est là d’ailleurs qu’elle se retirera à son retour d’Indochine en 1921.

        Elle y était partie en 1909, pour suivre son mari, Michel Baron. Elle y connut la brousse dit-elle, « au temps du DéTham, au temps où l’on mettait vingt-cinq jours pour aller de Tourane à Vientiane ». Ce n’est qu’en 1914 qu’elle viendra aux lettres : « D’ailleurs, tout arrive en retard dans mon existence, et j’arrive en retard partout où l’on m’attend ». Son premier livre, ‘Contes et Légendes de l’Annam’, verra le jour en 1917.

         Et c’est après le retour en France, quelle fera publier en 1922 son premier vrai roman, ‘Trois femmes annamites’.

         Pour Thi-Vinh, dont les mémoires constituent la première histoire, la vie est limpide. Elle aime son petit village de l’Annam, elle prend soin de son père resté veuf, et elle rêve d’un bonheur simple partagé avec le compagnon de ses jeux d’enfant devenu le secrétaire de son père, le beau et distingué Dinh-Ba. Mais la destinée en décidera différemment. Le père décide d’emmener les deux jeunes gens découvrir Hué, la belle capitale impériale. Après cinq jours de préparatifs, tout le monde embarque dans un sampan. Les enfants sont émerveillés par les splendeurs de la ville et de ses tombeaux


    Hélas, un hasard funeste fait se rencontrer au coin d’une rue, près du marché, la jolie Thi-
    Vinh et trois riches mandarins, dont l’un n’est autre que l’empereur Dong-Khan !

    La vie si simple de la pauvre Thi-Vinh va être bouleversée par cette rencontre. L’Empereur, conquis par cette fraîche beauté, va demander au père, le don de sa fille. C’est alors que va se poser pour la jeune fille et son père, le drame d’avoir à choisir entre le pur amour qu’elle porte à son fiancé et le dévouement et le respect qu’elle doit à son empereur…

         La deuxième histoire, c’est celle de la douce et résignée Mi-Lan, ‘aux lignes charmantes et à la peau si claire qu’elle semble dorée’. Elle est certainement la plus pure des trois jeunes femmes, mais hélas, ce caractère chinois de la ‘chance’ qui marque comme un stigmate la couverture du livre, n’accompagnera pas la destinée de la jolie fille. Ses parents sont morts, et elle reste seule pour veiller sur son grand-père, vieillard aveugle et qui s’est fait ruiner par les manigances perfides du Chinois A-Trieu. Il a tout perdu, même et surtout la rizière où se trouvent les tombes des ancêtres de la famille. Le désespoir du vieillard est infini et Mi-Lan cherche un moyen pour racheter ces rizières sacrées au Chinois.

         Accrochée à la manche du pauvre aveugle, elle part vers Hué où elle sait que les filles gagnent des piastres en triant le chiendent. Travail dur pour un salaire de misère.

         Et c’est par hasard, qu’un jour, elle rencontre dans la rue une congaïe violemment parfumée, couverte de soies multicolores et de bijoux. Et cette femme qui marchait, arrogante, en faisant claquer ses sandales, elle la reconnaît : c’est Thi-Sau, dont la mère vend de la soupe aux coolies de son village. Mais alors, par quel miracle Thi-Sau se trouvait-elle si riche ? ‘Confusément Mi-Lan réalisa : ces parures étaient aussi honteuses que brillantes…’.

        Et c ‘est à ce moment là que Mi-Lan comprit les avances de la sinistre Cai-Boung qui lui a promis la richesse si elle acceptait de devenir l’épouse temporaire d’un Français. Ne pourrait-elle pas alors racheter les tombeaux familiaux et faire ainsi le bonheur du pauvre aveugle ?…

         La troisième histoire, ‘Les époux de Madame Hoa’, est certainement la meilleure du volume. Les deux cousines, Hoa, ravissante jeune fille, pure fille d’Annam au teint mat et Ginette, métisse française aux yeux bleus et aux cheveux clairs, ne voient pas la vie de la même façon : pour Ginette, il y a une revanche à prendre contre les Occidentaux qui humilient les Annamites qui eux, ne pensent même pas à leur déchéance ; le seul moyen de se venger, ce sont les piastres !  La douce Hoa, elle, a de la compassion pour ces époux étrangers. Bien que vendue successivement trois fois par sa famille, à un Français ‘jeune, vieux, laid, beau ? peu importe. S’il est riche c’est suffisant ! elle arrivera pourtant à trouver son bonheur dans ces unions provisoires…

    François Doré.
    Librairie du Siam et des Colonies.