Les disparus de Silom Road.

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C’est vrai ! Pour qui descendait l’avenue Silom Road de Bangkok, jusqu’à il y a une dizaine d’années, une des artères les plus touristiques et commerciales de la capitale thaïlandaise, cet immense terrain vague en plein centre ville, refuge des chiens errants, peuplé de tout un monde de chats abandonnés et parfois de campements provisoires d’habitants louches et sans abri, restait comme une verrue inquiétante dans un centre-ville ultra moderne.

C’était ce qui restait du grand cimetière catholique de la ville.

Le mur de l’ancien cimetière catholique de Silom vu aujourd’hui.

Ce qui reste du cimetière chinois, lui aussi abandonné.

Le grand cimetière catholique de Bangkok.

Désaffecté depuis de nombreuses années, les inhumations catholiques avaient lieu désormais dans de lointaines banlieues, dans la région de Nakorn Pathom, ou même dans des cimetières catholiques après Pattaya, sur la côte du Golfe.

Une telle étendue de terrains, là où le mètre carré est le plus cher de la ville, ne pouvait laisser indifférents les promoteurs immobiliers. Ce qui devait arriver arriva, et les propriétaires du terrain, les autorités catholiques des Missions et du Vatican, donnèrent leur accord pour que les terrains qui accueillaient le vieux cimetière désaffecté et son extension, soient vendus au plus offrant, semble-t-il pour 99 ans.

Les premiers travaux commencèrent tardivement, et pendant les années 2005 à 2007, les Missions prirent le temps de faire des photos des centaines de concessions qui avaient résisté à l’usure du temps et d’en relever une liste à peu près complète. Les stèles et les croix furent déchiffrées, parfois avec grande difficulté par des bénévoles thaïlandais, et nous avons pu vérifier beaucoup plus tard, que nombreuses ont été les erreurs lors du recopiage de noms ou d’années gravés dans la pierre, il y avait parfois fort longtemps. Les plus anciennes tombes remontaient au milieu du XIXème siècle.

A la recherche de la tombe de Marcel Henry :

C’est au cours de nos recherches sur les résidents français au Siam, morts pendant la Première Guerre Mondiale, que nous nous sommes penchés sur le sort bien particulier du jeune Marcel Henry. Marcel était le fils de Camille Henry, le directeur de la Banque de l’Indochine à Bangkok. Il avait rejoint la métropole en octobre 1914, dès reçu son ordre de mobilisation. Il allait avoir 19 ans. Après une campagne particulièrement héroïque, au cours de laquelle il sera gazé en 1915 et longuement hospitalisé, il rejoindra en 1916 son régiment pour connaître les rigueurs d’un hiver en Serbie. Il sera de nouveau hospitalisé pour une laryngite tuberculeuse, et réformé en juillet 1918.

Il reviendra alors au Siam pour y retrouver sa famille. Mais les souffrances endurées et des poumons détruits par les gaz asphyxiants, ne lui permettront pas de recouvrer la santé. Il mourra à Bangkok deux ans plus tard, le 12 octobre 1920. Il allait avoir 25 ans.

Les archives de la Légation de France nous livrent avec détails son inhumation au cimetière catholique de Silom Road le 14 octobre 1920 et le texte du discours que M. Pila, ministre de France à Bangkok prononça à cette occasion devant la communauté française réunie.

Photo des restes du caveau de Marcel Henry à Silom, pendant le déménagement (@Assomption)

Les registres du Père Colombet ont gardé la trace de cet évènement.

Nous souhaitions donc retrouver la trace de sa tombe, pour que le Souvenir Français puisse lui rendre hommage.

L’enquête fut difficile. Le déménagement des tombes de Silom Road semble s‘être fait dans le plus grand silence. Les familles avaient oublié leurs grands anciens et bien peu de descendants se rappelaient les ancêtres enterrés là-bas.

C’est le Père Joseph Trebaol à qui nous demandions où avaient pu être transférées toutes ces tombes, qui nous conseilla d’aller chercher dans la région de l’église de Saint Pierre, près de Sam Phran (Rose Garden), avant Nakkorn Pathom, à une heure de route de Bangkok. Après quelques péripéties et guidés par les religieux de Saint Pierre, nous avons pu découvrir le gigantesque cimetière catholique de Santikham.

Le grand cimetière de Santikham :

L’entrée colossale du cimetière.

Il s’agit d’un immense cimetière parfaitement bien tenu et où les tombes s’alignent par milliers. Il semblait bien difficile d’essayer d’y retrouver la trace de tombes de Français. Après quelques heures de recherches vaines, et alors que nous allions abandonner, nous avons remarqué, sur un des côtés du cimetière, des rangées de loculi, semblables à ceux que l’on voit dans les cimetières italiens. Sur cinq étages, sont disposés environ 300 loculi. Chacun est fermé d’une plaque de pierre noire, sur laquelle ont été recopiés le nom du défunt, et ses dates de naissance et de décès, telles qu’elles étaient portées sur la tombe originale.

C’est donc avec un bonheur inouï que nous avons retrouvé les noms de nos disparus. Ils sont tous là. Parfois les plaques sont difficiles à lire mais nous avons pu retrouver ce qui sera le lieu du dernier repos de quelques uns des Français, morts au Siam au cours des XIX et XXème siècles.

Et bien sûr, y figuraient les restes de la tombe de Marcel Henry.

Mais une autre surprise nous attendait : en déchiffrant les plaques de marbres qui fermaient les loculi, nous avons découvert les noms de plusieurs marins français, qui eux aussi avaient été inhumés dans le cimetière de Silom.

Nous devions alors nous lancer dans une nouvelle recherche et essayer de retrouver l’histoire de ces marins français, morts au Siam.

Ces recherches feront l’objet du deuxième chapitre de cette histoire.
Donc à suivre…

François Doré.
Le Souvenir Français de Thaïlande.

A NOUS LE SOUVENIR                A EUX L’IMMORTALITÉ

1 commentaire

  1. Bonjour, j’ai bien aimé ce petit document qui est tout à votre honneur d’avoir fait une si belle chose redonné vie a un passé longtemps oublié… J’aimerai vous poser une question savez vous combien de français anciens militaires ayant vécu en Thailande et mort ici sur place dans de petit village reculé de Thaïlande comme le sera certainement mon cas ayant fait ans de Légion Étrangère je serais et resterais certainement oublié comme l’on était ceux la depuis bien longtemps a moins que vous ayez prévus quelques chose ????

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